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martes, 8 de septiembre de 2020

Libertad

 





Sur mes cahiers d’écolier / Sur mon pupitre et les arbres / Sur le sable sur la neige / J’écris ton nom

Sur toutes les pages lues / Sur toutes les pages blanches / Pierre sang papier ou cendre / J’écris ton nom

Sur les images dorées / Sur les armes des guerriers / Sur la couronne des rois / J’écris ton nom

Sur la jungle et le désert / Sur les nids sur les genêts / Sur l’écho de mon enfance / J’écris ton nom

Sur les merveilles des nuits / Sur le pain blanc des journées / Sur les saisons fiancées / J’écris ton nom

Sur tous mes chiffons d’azur / Sur l’étang soleil moisi / Sur le lac lune vivante / J’écris ton nom

Sur les champs sur l’horizon / Sur les ailes des oiseaux / Et sur le moulin des ombres / J’écris ton nom

Sur chaque bouffée d’aurore / Sur la mer sur les bateaux / Sur la montagne démente / J’écris ton nom

Sur la mousse des nuages / Sur les sueurs de l’orage / Sur la pluie épaisse et fade / J’écris ton nom

Sur les formes scintillantes / Sur les cloches des couleurs / Sur la vérité physique / J’écris ton nom

Sur les sentiers éveillés / Sur les routes déployées / Sur les places qui débordent / J’écris ton nom

Sur la lampe qui s’allume / Sur la lampe qui s’éteint / Sur mes maisons réunies / J’écris ton nom

Sur le fruit coupé en deux / Du miroir et de ma chambre / Sur mon lit coquille vide / J’écris ton nom

Sur mon chien gourmand et tendre / Sur ses oreilles dressées / Sur sa patte maladroite / J’écris ton nom

Sur le tremplin de ma porte / Sur les objets familiers / Sur le flot du feu béni / J’écris ton nom

Sur toute chair accordée / Sur le front de mes amis / Sur chaque main qui se tend / J’écris ton nom

Sur la vitre des surprises / Sur les lèvres attentives / Bien au-dessus du silence / J’écris ton nom

Sur mes refuges détruits / Sur mes phares écroulés / Sur les murs de mon ennui / J’écris ton nom

Sur l’absence sans désir / Sur la solitude nue / Sur les marches de la mort / J’écris ton nom

Sur la santé revenue / Sur le risque disparu / Sur l’espoir sans souvenir / J’écris ton nom

Et par le pouvoir d’un mot / Je recommence ma vie / Je suis né pour te connaître / Pour te nommer

Liberté.

 (Poésise et Vérité, Paul Éluard 1942)